La légitimité de l'Union Africaine en question

Publié le par CENTRAFRIQUE EN LIGNE

A l'occasion du 17ème sommet de l'Union Africaine qui s'ouvre aujourd'hui à Malabo (Guinée-Equatoriale), d'aucuns doutent de plus en plus de la légitimité de la grande organisation panafricaine, créée en 1999 par la déclaration de Syrte. L'héritière de la défunte OUA (fondée, quant à elle, juste après les indépendances) a, en une décennie d'existence, montré son incapacité à résoudre les grandes crises qui ont secoué le continent : Côte d'Ivoire, Libye, Guinée-Conakry, Togo... A chaque fois, le Conseil de Paix et de Sécurité de l'UA, organe dévolu à la résolution des conflits, s'est surtout distingué par sa fébrilité, voir son mutisme. Tout juste a-t-on prêté attention à l'Union Africaine lorsque celle-ci fut le théâtre des lubies de Khadafi, qui prônait la création des Etats-Unis d'Afrique sans aucun préambule d'ordre économique. Le défilé des soit-disants chefs traditionnels aux costumes bigarrés qui accompagnait Kaddhafi dans l'enceinte du Palais des Congrès d'Addis-Abeba, restera sans doute comme un lieu commun 

 

Aujourd'hui, cette même organisation, soumise deux ans plus tôt au bon vouloir de Kaddhafi, se voit contrainte de le condamner, lui et son régime, sous la pression des grandes puissances et de la Cour Pénale Internationale. Les Présidents Abdoulaye Wade, Ali Ben Bongo et Idriss Déby, ceux-là même qui, il y a quelques mois, tressaient des couronnes de laurier au guide libyen, le vouent désormais aux gémonies. Véritables Talleyrands de la négritude, ils retournent leurs vestes sous les auspices bienveillants des instances de l'UA. Napoléon, s'il vivait encore, leur rétorquerait : "vous êtes de la merde dans un bas de soie." Cet exemple pris parmi tant d'autres tend à démontrer que l'Union Africaine se pose de plus en plus comme un vassal inféodé aux retournements d'alliance des grandes puissances occidentales. Invité à tous les sommets du G8 et du G20, le secrétaire général de l'UA, le gabonais Jean Ping, peine pourtant à en imposer sur la scène continentale. Tout juste peut-il se targuer d'avoir su organisé un débarquement de casques verts de l'UA sur l'île rebelle d'Anjouan (Comores), véritable remake tropical du 6 juin 1944. Il n'en reste pas moins que les rebelles anjouanais et leur chef Bacar n'avaient rien de comparable avec la formidable machine de guerre de la Wehrmacht. Sur le reste, rien ou si peu. Des médiations ratées en Côte d'Ivoire, qui n'ont fait que plonger un peu plus le pays dans le chaos. Une conception du respect de la démocratie et des droits de l'Homme à géométrie variable (validation des élections très contestées au Tchad ou au Togo). Une incapacité prononcée à faire respecter les différents cessez-le-feu en Somalie, qui ne cesse, année après année, de confirmer son statut de "failed state" (Etat défaillant). Enfin, sur la plan de l'intégration continentale, les dirigeants de l'UA demeurent en butte aux réticences de certains Etats, anglophones en tête.

 

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Alors qu'attendre de ce 17ème sommet de l'UA, où sera présent le Président de la République Centrafricaine, François Bozizé ? Rien, ou peut-être uniquement la démonstration du fait que la Guinée-Equatoriale (ancien bénéficiaire des dons du Colonel Kaddhafi) est véritablement devenu le premier émirat pétrolier d'Afrique Centrale. Nul doute qu'elle saura organiser avec faste un des plus spectaculaires sommets de l'histoire de l'UA. Mais sur le fond, il y a peu à espérer, excepté quelques déclarations d'intention sur le développement durable. Pourquoi ? Tout simplement, parce qu'il apparaît de plus en plus évident que l'Union Africaine a mis "la charrue avant les boeufs", pour s'exprimer quelque peu trivialement. En effet, nul ne devrait oublier quel mode de développement ont employé d'autres organisations continentales, comme l'Union Européenne. Elles se sont d'abord construites uniquement sur des partenariats économiques (pour l'Union Européenne, dans le domaine du charbon et de l'acier), avant de, par le truchement d'un effet de spill-over (débordement), mettre en oeuvre une intégration politique. L'Union Africaine, quant à elle, a tout fait à l'envers, ne laissant même pas le temps aux entités sous-régionales (UEMOA, CEMAC, EAC) d'achever leur processus d'unification économique. C'est pourquoi l'UA peine tant aujourd'hui à réunir sous sa houlette l'ensemble des pays africains. Pour conclure, espérons tout ingénument que cette belle idée qu'est l'Union Africaine arrivera à atteindre les objectifs que lui avaient conféré ses pères fondateurs, et qu'elle ne restera pas très longtemps une maison ouverte aux quatre vents, soumise aux influences des grandes puissances... A bon entendeur, salut !

 

Jonas Abbo-Tshipopo

Rédaction Centrafrique En Ligne

 

Publié dans EDITORIAL

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