Vœux 2011 : Pour une République Centrafricaine meilleure

Publié le par CENTRAFRIQUE EN LIGNE

Chères sœurs, chers frères,

 

La nouvelle année est toujours l'occasion d'énumérer des vœux pieux que le commun des mortels ne respectera de toute façon pas. Jusqu'alors, les centrafricains n'ont pas échappé à la règle. Chaque année, des hommes politiques, des penseurs et des représentants de la société civile se sont échinés à écrire des vœux plus dithyrambiques les uns que les autres pour notre pays ; vœux qui restèrent le plus souvent à l'état de chimères. Mais comment faire autrement ? Comment ne pas souhaiter le meilleur à notre patrie à l'aune de cette année 2011 ? Premièrement, car s'il est vrai que pendant trop longtemps, le pays de Barthélémy Boganda n'a connu que la scansion lancinante des Coups d'Etats et autres interventions de puissances étrangères, la situation ne cesse de s'améliorer depuis 2005 et le retour à la légalité constitutionnelle. Ensuite, car même si la République Centrafricaine demeure un des Etats les plus démunis de la planète, des actions sont entreprises par le gouvernement pour retisser le tissu économique et regagner la confiance des investisseurs étrangers. Enfin, car il serait inconcevable, en ce début du XXIème siècle, de nous montrer sceptiques, ou pire encore, défaitistes. Ce n'est pas parce que nos rêves se brisent que nous ne devons pas rêver à nouveau. Ce n'est pas parce que nos espérances sont déçues que nous devons renoncer à tout espoir, même le plus fou.

 

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Alors rêvons, espérons... Faisons-le pour un idéal qui nous dépasse, qui nous transcende, l'idéal de toute une nation, de tout un peuple. Après un siècle d'une colonisation tyrannique, après un autre-demi siècle de fureur et de souffrances, de turpitudes et de bouleversements, le temps ne serait-il pas venu de partager l'amour et non la haine ? C'est ce message fort que tous les centrafricains de bien se doivent de délivrer à l'occasion des élections législatives et présidentielles, dont le premier tour se tiendra très certainement le 23 janvier prochain. Alors pour 2011, prions pour que Dieu transforme nos passions si souvent destructrices en sagesse. Que Dieu fasse qu'à l'occasion de ce moment important de la vie démocratique de notre pays, le peuple centrafricain choisisse ses dirigeants en son âme et conscience, sans effusion de sang. Puisse Dieu enfin faire accepter à tous le verdict des urnes, et qu'une situation aussi dramatique que celle qui prévaut actuellement en Côte d'Ivoire n'ait pas à se reproduire sur les berges de l'Oubangui.

 

Mais nos voeux ne peuvent se résumer à souhaiter la réussite des élections, aussi importante pour l'avenir du pays soit-elle. Car il y a bien d'autres maux dont souffrent la République Centrafricaine et qui doivent être résolus. Au nord et à l'est du pays, les attaques rebelles incessantes empêchent les populations de bâtir un quelconque projet d'avenir. Du côté de Berbérati, les habitants de ce chef-lieu du Mambere-Kadeï souffrent de malnutrition, alors même que, paradoxe intolérable, leur sous-sol regorge de diamants. Sur le plan du développement, le pays accuse un retard criant dans de multiples domaines sur ses voisins africains. Infrastructures de base (ports, routes, immeubles), agriculture, industries, services, tout est à reconstruire, tout manque. Certes, ces cinq dernières années, beaucoup a déjà été fait. Le sombre héritage de l'ère Patassé n'était pas facile à porter et il a quasiment fallu rebâtir une société ex nihilo. Alors, sans renier le travail déjà accompli, permettons-nous tout de même de formuler quelques souhaits que la République Centrafricaine aurait tout intérêt à voir se réaliser si elle veut s'engager sur la voie du développement accéléré. Citons ici pêle-mêle :

 

la restructuration et la privatisation d'entreprises publiques comme la SODECA (Société de distribution d'eau), l'ENERCA (Energie Centrafricaine) ou bien encore la SOCATEL (Société Centrafricaine des Télécoms). En permettant l'acquisition de ces sociétés par des agents économiques privés (l'Etat conserverait tout de même une minorité de blocage dans le capital), ces derniers seraient plus à même d'assurer des services indispensables au bon fonctionnement de l'économie centrafricaine. Des mesures similaires ont déjà portées leurs fruits au Congo-Brazzaville et au Togo.

Le développement d'un réseau routier conséquent. Il permettrait alors aux commerçants de se déplacer plus rapidement à l'intérieur du territoire centrafricain et favoriserait le désenclavement de certaines régions du pays. Le bitumage des axes Bangui – Berbérati et Bangui – Bambari semble être une priorité. L'option du chemin de fer n'est cependant pas à exclure. La construction d'une ligne ferroviaire entre Bangui et Nyala (ouest du Soudan) diversifierait les possibilités d'exportation pour les produits centrafricains, en complément de la voie camerounaise habituelle.

La relance du secteur agricole. Ces dernières décennies, les productions de café, de coton (de 100 000 tonnes annuelles à moins de 3000 en vingt ans) et des cultures vivrières (maïs, manioc, huile de palme) ont considérablement chuté, métamorphosant la République Centrafricaine en un pays dépendant de ses importations alimentaires. Face à ce désastre, il convient de soutenir les cultivateurs en leur octroyant des subventions et les incitant à se regrouper au sein de coopératives. La création d'une caisse de stabilisation pour des richesses nationales comme le café et le coton serait également une mesure non dénuée d'esprit afin de mettre à l'abri les cultivateurs de la spéculation.

Une meilleure exploitation des ressources minières de la RCA. Il nous faut en finir avec l'extraction artisanale et informelle de matières premières aussi lucratives que le diamant, l'or ou le bois. Permettons aux grandes multinationales de venir exploiter nos matières premières, mais dans un cadre légal bien prédéfini. Exploitation ne doit pas signifier spoliation, et les entreprises qui exportent nos matières premières doivent reverser à l'Etat des royalties conséquents. L'Etat se chargera ensuite d'utiliser cette manne pour développer le pays, en toute transparence (avec l'appui du processus ITIE).

La mise en place d'un plan de soutien au développement et à l'affirmation des PME/PMI (Petites et Moyennes Entreprises/ Petites et Moyennes Industries). Celles-ci sont le cœur de l'économie centrafricaine : il est donc impératif de créer à court terme un cadre de concertation et d’assistance aussi bien technique que financière entre les pouvoirs publics et le secteur des PME/PMI, souvent trop isolé. Les banques (ECOBANK, BSIC, CBCA) se doivent elle aussi de favoriser les petites sociétés en leur accordant des crédits sans trop de garanties et à des taux d'intérêts raisonnables.

La valorisation de la République Centrafricaine à l'international. Trop souvent oubliée par la communauté internationale depuis la chute de Bokassa Ier, le pays se doit de tout mettre en œuvre pour se faire connaître à l'étranger. Au vue des formidables potentialités touristiques et commerciales que compte cet Etat, il serait souhaitable que le gouvernement lance une campagne de communication de grande envergure afin de mettre à mal les préjugés et d'attirer aussi bien les touristes que les investisseurs à l'aéroport de Bangui-Mpoko.

La poursuite et l'achèvement de la Réforme des Secteurs de Sécurité (RSS). Face à la menace rebelle qui sévit sur une grande partie du territoire centrafricain, les Forces Armées Centrafricaines (FACA) doivent se réformer pour lutter efficacement contre ces mouvements armés et permettre aux populations civiles de retrouver de la sérénité. Pour se faire, une Réforme des Secteurs de la Sécurité a été lancée  par les autorités de Bangui. Elle prévoit notamment le passage des effectifs de l'armée centrafricaine de 6 500 à près de 11 000 hommes, ainsi qu'une amélioration sensible de la qualité de l'armement des FACA. Il convient de souhaiter que cette réforme puisse aboutir dans les plus brefs délais, forçant ainsi certaines rébellions récalcitrantes (la CPJP notamment) à se conformer aux exigences du processus DDR (Désarmement – Démobilisation – Réinsertion) et renoncer à toute tentative de coercition vis-à-vis de l'ordre établi.

 

Les plus dubitatifs rétorqueront à ces propositions qu'elles ne sont que des utopies érigées en solutions viables par de doux rêveurs. Pourtant, le Prix Nobel de Littérature irlandais Georges Bernard Show affirmait avec justesse que « L’homme raisonnable s’adapte au monde; l’homme déraisonnable s’obstine à essayer d’adapter le monde à lui-même. Tout progrès dépend donc de l’homme déraisonnable. » Alors, pourquoi ne pas avoir confiance en l'avenir ? Pourquoi ne pas croire qu'un jour prochain, des Hommes se lèveront et s'obstineront, encore et encore, à transformer la terre de nos aïeux en un pays prospère ? Comment faire, enfin, pour que certains de nos compatriotes cessent de s'ingénier à semer le germe de la division là où pourraient être récoltés les fruits de l'unité ? Tout est question de volonté. La volonté de transformer nos rêves en réalité, la volonté de léguer un pays meilleur pour nos enfants. Alors, chères sœurs et chers frères, ne nous perdons pas dans les affres du tribalisme et du renoncement. Tous ensemble, redonnons un sens au « Zo kwe Zo » du bâtisseur Boganda, faisons en sorte que notre devise nationale « Unité-Dignité-Travail » ne soit pas seulement un adage grandiloquent gravé au fronton du Palais de la Renaissance mais une ligne de conduite respectée par chaque centrafricaine et par chaque centrafricain. C'est à ce prix, et à ce prix seulement, que 2011 sera pour la République Centrafricaine une année de tous les possibles.

 

Robert Wali

Rédaction Centrafrique En Ligne

Publié dans EDITORIAL

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